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L 'ETAT DE NOTRE URGENCE

VIOLENCE POLICIERE TEMOIGNAGE FRANCOIS COELHO 3/3

La nouvelle Bastille : le dépôt du nouveau TGI

 
Déféré donc au nouveau dépôt au bout de 52 heures dans une cellule que j’avais fini par adopter comme refuge,  et ses occupants comme amis, je pars en souhaitant tout le courage possible à ces jeunes (18 et  20 ans) qui s’apprêtaient eux à partir en prison pour vol en réunion.
Lors du transport, les policiers de transfert expriment leurs lassitudes des allers-retours au dépôt et signalent au chauffeur de prendre son temps, pour ne pas en refaire de trop.
Ainsi qu’un détail primordial sur le nouveau dépôt « Vous pourrez vraiment pas vous en échapper ».
J’apprends que mes lacets noirs et ma polaire noire ont été saisis pour analyse hydrocarbures parmi les affaires dans ma fouille et que je ne les récupérerais sûrement pas.
Le dépôt est le lieu le plus déshumanisant que j’ai croisé de ma vie .On me retire mon blouson noir parce qu’il est noir et on me demande ce que je fais là.
Je réponds : « Je filmais en manif ! »
Il rétorque : « Ah, c’est à cause de toi qu’on peut pas taper sur les gens ? »
Je réponds : « Je fais ça justement pour limiter la violence en manif »
Il interpelle un collègue : « C’est dommage nous on adore la violence, hein collègue ?! »
Le collègue répond : « Bah oui, moi je ne vis que pour ça »
Je suis avertie de ma mise au dépôt et demande mon avocat pour passer devant le Procureur le lendemain.
Je m’apprête à passer une deuxième nuit au dépôt en un  mois pour un rappel à la loi, mais avec le soulagement de ne pas être de nouveau à l’ancien dépôt du TGI de Paris car il était vraiment proche de l’enfer.
J’arrive dans une cellule pour moi tout seul, éclairé par un néon aussi fort que le soleil d’été, avec une couverture, un plat immangeable (riz cru et viande inconnue) et sans mon blouson qui assurait pourmoi ma survie depuis 48 heures.
Certes, la cellule est propre ; certes, la sécurité est renforcée.
Mais ce bâtiment a tout d’un centre de concentration légalisé et moderne.
La torture lumineuse est systématique, que vous ayez des choses à avouer ou non.
Les gardiens matons répondent « TA GUEULE » aux demandes d’heures ou informations.
Vous ne pouvez pas dormir avec autant de lumières, de coups sur les vitres, sur les murs et de  cris d’une centaine de personnes enfermées.
Vous ne vous pensez plus en France mais dans un « Guantanamo » à la française.
Vous priez même sans être croyant pour que le temps passe vite, que votre avocat vienne vous chercher à la  première heure le lendemain matin.
Après cette nuit d’enfer sur terre, ils se décident enfin à venir me chercher vers midi, m’expliquant que je vais aller voir l’enquêtrice sociale, ensuite l’avocat et enfin le procureur.
Je sors donc pour la dernière fois de la pire des cellules, soulagé que tout ça prenne fin dans peu de temps.
On me conduit dans un grand couloir contenant des rangées de bureaux de 4 m² ressemblant à des salles de speed-dating ou de rdv à la Sécu.
Je m’assoie devant un homme qu’on m’avait annoncé comme étant l’enquêtrice sociale.
Cet homme remplit et signe ma remise en liberté et mon rappel à la Loi.
Il me dit au bout d’un moment : « Je suis le Procureur, je procède à votre remise en liberté. »
Je m’exclame : «  Mais j’avais demandé un avocat ?! »
Il répond : « Je n’ai vu aucune demande et de toute façon vous n’avez pas besoin d’avocat, je vais vous libérer. »
Il me fait signer ma remise en liberté et me dit : « Qu’est-ce que tu faisais là ? »
Je réponds : « Je filme en manif pour limiter la violence et montrer à la France et au monde ce que BFM ne montre pas. »
Il rétorque : « Tu devrais faire attention ! »
Je demande : « Parce que les manifestations ne seront bientôt plus autorisées ? »
Il répond : « Si, les manifs sont encore légales en France, mais pour filmer, tu devrais pas t’habiller en noir,  car tu seras pris avec les autres. Habille-toi plus en vert, ou en jaune …. Etc »
Je l’interromps : « Et pourquoi pas en rose avec une cible dans le dos ? »
Il ne répond pas, ne me donne pas le papier et appelle le maton.
Je suis donc mené vers une sortie souricière avec les affaires qu’il me restait, mes batteries vides  suite aux essais de déverrouillage erronés de mon téléphone, plus une seule cigarette car fumées grâce au major en garde  à vue,  avec une colère et une envie de revanche contre Macron et son monde jamais ressentie de ma vie mais surtout une faim de loup.
Content de voir la première lueur du soleil comme si je ne l’avais pas vue depuis l’hiver, j’ai pensé durant 3 jours aux grands hommes que sont Nelson Mandela et Martin Luther King, imaginant à quel point il fallait être fort pour se relever plus grand d’autant d’année d’enfermement, en remerciant ma génétique de m’avoir fait blanc aux yeux bleus car sinon j’aurai pu prendre des coups ou ne jamais ressortir vivant.
« J’ai appris que le courage n’est pas l’absence de peur, mais la capacité de la vaincre. »
Nelson Mandela
« Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. »
Martin Luther King
 

 

 

 
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